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Pourquoi nos enfants deviennent des tyrans

  • Abbé Pascal Schreiber

Il y a déjà bien dix ans que le psychiatre spécialisé pour l’enfance et la jeunesse Michael Winterhoff a écrit Pourquoi nos enfants deviennent des tyrans. Il est aussi l’auteur de deux autres ouvrages importants : Des personnalités au lieu de tyrans et Les tyrans ne sont pas une fatalité. Michael Winterhoff montre dans ses livres les difficultés d’éduquer les enfants de nos jours.

Il y décrit trois désordres sur le plan relationnel. Son analyse est remarquable. Nous autres catholiques sommes aussi soumis aux tendances du monde actuel, que nous le voulions ou non. Nous courons le danger de tomber dans l’un ou l’autre piège. Ma présentation doit servir à identifier ces trois dangers afin, ou de les éviter, ou de corriger un éventuel manquement.

Tout d’abord, une remarque : chez de nombreux adultes et parents s’est imposée l’idée que la psyché de l’enfant se développe par elle-même. Cette idée ne correspond toutefois pas à la réalité. La psyché humaine a besoin de répétition, de continuité, d’entraînement et de structures afin de pouvoir se développer sainement. Tant que les parents, les maîtres et les éducateurs ne comprennent pas cela, aucune amélioration de la situation n’est possible.

Le premier trouble dans le développement ou la relation est le partenariat.

Après la révolution de 1968, il y eut à ce sujet deux différentes manières de penser :

a)  la manière traditionnelle (les enfants sont considérés comme des enfants, l’adulte guide l’enfant, répète avec lui des processus et sert de modèle à l’enfant par son comportement, tout en lui assurant une protection)

b) et la pensée moderne (l’adulte se comporte comme le partenaire de l’enfant).

Depuis les années 1990 les enfants sont de plus en plus considérés comme des partenaires et la manière de penser traditionnelle est toujours plus ressentie comme inappropriée et reléguée au second plan. Dans le partenariat les parents abandonnent leur rôle d'éducateurs, si sévère que ce jugement puisse paraître. Les parents doivent cependant faire en sorte que les fonctions psychiques de leurs enfants puissent se développer. Ils doivent donc, le cas échéant, sanctionner un manquement. Mais dans le trouble du développement appelé partenariat, il ne se passe rien de tel car la relation parent-enfant n’est plus hiérarchique. Par nature la plupart des enfants, lorsqu’ils sont regardés comme de petits adultes et devenus leurs égaux, sont complètement dépassés par la situation et subissent des dommages dans leur évolution psychique.

Le deuxième trouble du développement est la projection.

Cette forme de désordre se propage depuis l’an 2000. Le monde des adultes est marqué par la dissolution des anciennes structures, le monde perd sa sécurité. Les hommes ne reçoivent plus assez de reconnaissance, de sécurité et de repères. Les parents veulent compenser ce manque, et l’enfant se présente comme une compensation. Deux formes de dépendance apparaissent ainsi : les parents veulent être aimés des enfants, et simultanément l’enfant leur sert de mesure pour savoir s’ils sont bons ou mauvais.

Bien entendu, les parents ont le droit de se réjouir de l’amour de leurs enfants. Cet amour est cependant inconditionnel ; il n'est donc pas lié au fait que l'adulte doive donner quelque chose afin de s’en assurer. Les parents ne doivent pas non plus éviter les conflits : au contraire ils doivent les affronter pour le bien de l’enfant. Ils ne rendent pas service à l’enfant en cédant simplement. Ce devoir n’est certainement pas toujours facile à accomplir et coûte souvent beaucoup, mais le succès ne se fera pas attendre longtemps.

Sous l’aspect de la psychologie du développement, la situation se présente ainsi : à l’âge de deux ans et demi les enfants expérimentent deux choses. D’un côté, ils sont capables de s’assurer eux-mêmes du monde extérieur, mais de l’autre, ils déterminent si celui-ci peut disposer d’eux. Cette phase est normale à cet âge, mais elle doit être rapidement terminée afin que la psyché puisse affronter le prochain défi. Mais si l’adulte veut absolument être aimé ou s’il cherche à être assuré d’être un bon père ou une bonne mère, alors il devient par là dépendant de l’enfant. L’enfant de son côté s’imagine placé au-dessus de l’adulte, ce qu’une éducation réussie rend impossible. L’on rencontre aujourd’hui beaucoup d’enfants d’âge scolaire, même des jeunes dans la vie active, qui reproduisent (toujours) le modèle de comportement décrit.

Le troisième et dernier trouble du développement est la symbiose.

Toujours plus d’adultes manquent de sentiments tels que la satisfaction et le bonheur. Beaucoup cherchent un sens à la vie. Cela aboutit, sur le plan relationnel avec l’enfant, à une réaction psychique inconsciente ; l’adulte puise dans la psyché enfantine la part de psyché qui lui manque. L’adulte pense et agit pour l’enfant. Il perd la faculté de le regarder avec la distance nécessaire. L’enfant est perçu psychiquement comme une partie du corps. Cela signifie par exemple qu’un manquement de l’enfant sera ressenti par les parents comme un échec personnel et que la faute sera cherchée partout ailleurs plutôt que chez l’enfant lui-même.

Au début de la vie, la symbiose, cette vie commune entre la mère et l’enfant, est même une protection et une nécessité vitale. La mère aide l’enfant durant ses premiers mois de vie à se repérer dans le monde auquel il est exposé sans défense. Elle le protège des dangers et essaie de reconnaître les besoins qu’il ne peut pas encore satisfaire par lui-même et de les canaliser dans le bon sens. C’est cependant très dangereux lorsque cette symbiose ne se termine jamais.

Les enfants qui souffrent d’un des deux premiers troubles du développement (le partenariat et la projection) sont encore conscients de l’existence d’autres hommes, même si cela leur pèse parfois de les accepter comme ayant une influence sur eux. Des personnes qui ont grandi dans une relation symbiotique avec leurs parents, ne sont plus forcément conscientes de l’existence d’autres hommes. Heureusement, cette troisième sorte de trouble est exceptionnelle.

Le tragique de ces trois troubles du développement (le partenariat, la projection et la symbiose) réside dans le fait que les personnes touchées ont à souffrir de leurs conséquences souvent toute leur vie. Dans son dernier livre sur cette thématique (Des personnalités au lieu de tyrans) Michael Winterhoff montre quels effets ont les troubles du développement qu’il décrit sur les adolescents et comment on peut combler les lacunes sur le lieu de travail.

Des enfants qui souffrent de l’un des trois troubles du développement évoqués peuvent être bien élevés et traités avec amour ou même grandir dans un milieu protégé, mais ils ne sont pas psychiquement accomplis et manquent de maturité. C’est pourquoi il est important que tous les éducateurs essaient de considérer les enfants comme des enfants et de ne pas les intégrer dans le monde des adultes, car le partenariat abolit l’enfance. Pour ne pas tomber dans le trouble de la projection, il faut aussi répondre aux besoins de soutien, de structure et de repères des jeunes adultes. En ce qui concerne la symbiose, dans un développement psychologique normal, l’enfant se détache petit à petit tout naturellement de ses parents durant les années de son enfance, et particulièrement de sa mère, après avoir surtout au début vécu dans une relation de symbiose avec elle. Mais c’est seulement lorsque les adultes se démarquent clairement des enfants que ce détachement peut avoir lieu.

Avec l’enfant, le Bon Dieu nous a mis quelque chose de très précieux entre les bras. C’est lui qui a créé cet être et son processus de développement. Les éducateurs doivent accompagner ce développement qui doit être un bout du chemin vers la patrie céleste. Une grande responsabilité repose dans leurs mains, qui nous met clairement devant les yeux l’importance d’une bonne éducation chrétienne.

Ce court exposé n’est de loin pas exhaustif, mais il doit aider les parents et les éducateurs à être plus à la hauteur de leur devoir et leur offrir un repère dans la vie quotidienne. Nous ne devons pas être trop confiants dans nos propres forces ; au contraire il faut chercher cette force en s’entretenant avec Dieu dans la prière. Dieu le Père tout-puissant nous aide. Il incombe à sa puissance de corriger ou même de guérir les conséquences de nos erreurs.

Abbé Pascal Schreiber
Le Rocher avril 2020

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