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Quand la famille redevient la mesure

  • Olivier Dehaudt

SOCIETE On parle aujourd’hui d’écologie, de réindustrialisation ou d’intelligence artificielle, mais très peu de la famille comme principe d’organisation économique. Or, si l’économie est une science humaine et sociale, elle doit d’abord répondre à une question simple: quel homme veut-elle servir ? C’est le point de départ de Jean-Didier Lecaillon dans l’introduction de son ouvrage La famille au cœur de l’économie (Editions Salvator): l’être humain est relationnel, inséré dans des générations, appelé à créer et à transmettre. Et c’est dans la famille que cette vocation est la plus visible. Partir de là n’est pas un luxe théorique: c’est la condition pour imaginer ensuite un projet politique réaliste et respectueux du réel.

Une économie qui part de l’homme

Derrière chaque courbe de croissance ou chaque budget public, il y a des personnes concrètes. L’économie, rappelle Lecaillon à la suite de Ludwig von Mises, s’intéresse à « l’action humaine »: elle observe comment des sujets libres font des choix dans un monde de ressources limitées. Les pères de l’économie politique l’avaient déjà vu: Adam Smith ne séparait pas la richesse des nations de la théorie des sentiments moraux, Alfred Marshall parlait de « l’humanité dans les affaires ordinaires de la vie ». Lecaillon s’inscrit dans cette filiation en ajoutant une précision anthropologique: l’homme ne flotte pas au-dessus de la création, il en fait partie, mais il en est la partie responsable. Il est invité à transformer la nature sans la détruire, à l’améliorer pour lui-même et pour ceux qui viendront après lui. C’est là qu’il se sépare des courants qui voient dans l’homme un simple pollueur dont il faudrait réduire le nombre ou l’activité: une telle vision conduit mécaniquement à réduire l’économie et à oublier qu’il reste d’immenses besoins humains à satisfaire.

«L’équilibre des ordres est essentiel pour ne pas affaiblir la société.»

Trois ordres à articuler

Pour que cette vocation se déploie, la société doit rester ordonnée. L’introduction propose une grille de lecture très simple: toute société vivante repose sur trois ordres complémentaires.

Le premier est l’ordre marchand: domaine de l’échange volontaire, du contrat, des prix qui informent sur la rareté, il ne fonctionne qu’adossé à des vertus minimales – honnêteté, respect de la parole donnée – et à des institutions solides.

Le second est l’ordre politique: il protège les droits naturels, recherche le bien commun et, selon le principe de subsidiarité, n’intervient que lorsque les niveaux inférieurs ne peuvent pas agir.

Le troisième est l’ordre communautaire, ou de la société civile: celui du don, de la gratuité, de la fraternité, où l’on donne sans exiger l’équivalent en retour.

Ces trois ordres ne sont pas de même nature mais ils se complètent: si l’un d’eux déborde sur les autres, la société se déforme (un État qui contrôle tout, un marché qui marchandise tout, une communauté qui prétend régir le politique).

La famille, charnière des trois ordres

C’est à ce point que la famille apparaît comme la pièce maîtresse. Elle est présente dans les trois ordres à la fois. Dans l’ordre marchand, elle produit du travail domestique, décide de l’essentiel des achats, constitue une épargne et transmet un patrimoine ; beaucoup de richesses sont en réalité créées à l’intérieur des foyers. Dans l’ordre politique, elle forme les citoyens, transmet le sens de la loi juste, enseigne la civilité sans laquelle il n’y a pas de vie démocratique. Dans l’ordre communautaire, elle est le premier lieu de don: on y apprend à aimer sans calcul, à aider les plus faibles, à maintenir les liens entre générations.

Parce qu’elle est antérieure à l’État et à l’entreprise, la famille joue le rôle de charnière: elle fait circuler la confiance, les vertus et même une partie de la production entre les trois ordres. Une société qui n’honore plus cette fonction devient « froide », réduite à l’obéissance aux lois et au paiement des factures.

Un détour nécessaire avant la politique

On comprend dès lors pourquoi l’auteur refuse de passer immédiatement aux mesures techniques. Tant qu’on n’a pas clarifié ce qu’est la famille et où elle se situe dans la société, on reste condamné au bricolage: quelques prestations, un peu de fiscalité, un service de garde supplémentaire. Une politique vraiment familiale commence au contraire par reconnaître une communauté naturelle, stable, fondée sur le don réciproque de l’homme et de la femme et ordonnée à l’accueil de l’enfant. Son rôle n’est pas de se substituer aux familles mais de les laisser faire ce qu’elles font le mieux: éduquer, transmettre, créer du lien social. Cela implique de les sécuriser juridiquement, de valoriser économiquement le travail domestique, de ne pas les pénaliser lorsqu’elles investissent dans leurs enfants.

Conclusion

Replacer la famille au centre de l’analyse économique n’est donc pas un geste nostalgique. C’est une méthode pour réconcilier production, institutions et fraternité, et pour juger de la légitimité des interventions publiques. L’introduction de Lecaillon fixe ainsi le décor des chapitres suivants: partir de la personne, distinguer les trois ordres, reconnaître la famille comme passerelle. Sur cette base seulement, un projet politique familial pourra être élaboré sans trahir la réalité qu’il prétend servir.

 



De la lecture à l’action: rejoignez la commission «Famille»

Nous avons pris le temps de lire attentivement le livre de Jean-Didier Lecaillon La famille au cœur de l’économie (Salvator, 2024). Nous y avons découvert une matière d’une telle richesse qu’il nous a semblé dommage d’en faire un simple compte rendu. Nous avons donc choisi une autre voie: présenter ce livre de la manière la plus complète possible, chapitre après chapitre, dans plusieurs numéros successifs du CLV magazine. Cela permettra à chacun de s’approprier progressivement l’argumentation de l’auteur et de la confronter à la réalité familiale, économique et politique de notre pays.

Bien entendu, nous encourageons vivement nos lecteurs à acheter le livre et à le lire: rien ne remplace la lecture intégrale pour saisir la cohérence d’ensemble.

Parallèlement, Choisir la Vie et la Fondation pour la Famille souhaitent constituer une commission de travail chargée d’élaborer, à partir de ces analyses, un véritable projet politique de promotion de la famille – un projet qui vise à remettre la famille à la place qui lui revient : au cœur de l’économie, de la société et des décisions publiques.

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