La ‘dictature sanitaire’ et l’interdiction des messes publiques
Une épreuve qui apportera un grand bénéfice spirituel
Des millions de catholiques dans le monde occidental dit libre seront, dans les semaines ou même les mois à venir, et surtout pendant la Semaine Sainte et Pâques, point culminant de toute l’année liturgique, privés de tout acte de culte public en raison de la réaction tant civile qu’ecclésiastique à l’épidémie de Coronavirus (COVID-19). La plus douloureuse et la plus angoissante de ces mesures est la privation de la sainte messe et de la sainte communion sacramentelle.
L’atmosphère actuelle de panique quasi planétaire est sans cesse alimentée par le « dogme » universellement proclamé de la nouvelle pandémie du coronavirus. Les mesures de sécurité drastiques et disproportionnées, associées à la négation des droits fondamentaux de l’homme que sont la liberté de mouvement, la liberté de réunion et la liberté d’opinion, apparaissent quasiment orchestrées au niveau mondial selon un plan précis. Ainsi, l’humanité entière devient en quelque sorte prisonnière d’une « dictature sanitaire » mondiale qui, de son côté, se révèle également être une dictature politique.
Un effet secondaire important de cette nouvelle « dictature sanitaire » qui se répand dans le monde entier est l’interdiction croissante et sans compromis de toute forme de culte public. À compter du 16 mars 2020, le gouvernement allemand a interdit toute forme de rassemblement religieux public pour toutes les religions. Une mesure aussi drastique d’interdiction stricte de toutes les formes de culte public était inimaginable, même sous le Troisième Reich. Avant que ces mesures ne soient prises en Allemagne, une interdiction gouvernementale de tout culte public avait été mise en œuvre en Italie et à Rome, cœur du catholicisme et du christianisme. La situation actuelle de l’interdiction du culte public à Rome ramène l’Église à l’époque d’une interdiction analogue émise par les empereurs romains païens au cours des premiers siècles.
Les clercs qui osent célébrer la sainte messe en présence des fidèles dans de telles circonstances pouvaient être punis ou mis en prison. La « dictature sanitaire » mondiale a créé une situation qui respire l’air des catacombes, d’une Église persécutée, d’une Église souterraine, surtout à Rome. Le pape François, qui le 15 mars, à pas solitaires et hésitants, a parcouru les rues désertes de Rome dans son pèlerinage depuis l’image du Salus populi Romani dans la basilique de Sainte-Marie-Majeure jusqu’à la Croix miraculeuse dans l’église de San Marcello, véhiculait une image apocalyptique. Elle rappelait la description suivante de la troisième partie du secret de Fatima (révélée le 13 juillet 1917) : « Le Saint-Père traversa une grande ville à moitié en ruine et, à moitié tremblant, d’un pas vacillant, affligé de souffrance et de peine. »
Comment les catholiques doivent-ils réagir et se comporter dans une telle situation ? Nous devons accepter cette situation des mains de la Divine Providence comme une épreuve, qui nous apportera un plus grand bénéfice spirituel que si nous n’avions pas vécu une telle situation. On peut comprendre cette situation comme une intervention divine dans la crise actuelle sans précédent de l’Église. Dieu utilise maintenant l’impitoyable « dictature sanitaire » du monde pour purifier l’Église, pour réveiller les responsables dans l’Église, et en premier lieu le pape et l’épiscopat, de l’illusion d’un beau monde moderne, de la tentation de flirter avec le monde, de l’immersion dans les choses temporelles et terrestres. Les puissances de ce monde ont maintenant séparé de force les fidèles de leurs bergers. Les gouvernements ordonnent au clergé de célébrer la liturgie sans le peuple. L’actuelle intervention divine purificatrice a le pouvoir de nous montrer à tous ce qui est vraiment essentiel dans l’Église : le sacrifice eucharistique du Christ avec son Corps et son Sang et le salut éternel des âmes immortelles. Que ceux qui, dans l’Église, sont soudainement et inopinément privés de ce qui est central puissent commencer à en voir et en apprécier plus profondément la valeur.
En dépit de la situation douloureuse de privation de la sainte messe et de la sainte communion, les catholiques ne doivent pas céder à la frustration ou à la mélancolie. Ils devraient accepter cette épreuve comme une occasion de grâces abondantes que la Divine Providence leur a préparée. De nombreux catholiques ont maintenant, d’une certaine manière, la possibilité de faire l’expérience de la situation des catacombes, de l’Église souterraine. On peut espérer qu’une telle situation produira les nouveaux fruits spirituels des confesseurs de la foi et de la sainteté.
Cette situation oblige les familles catholiques à faire littéralement l’expérience de la signification de ce qu’est l’église domestique. En l’absence de possibilité d’assister à la sainte messe même le dimanche, les parents catholiques devraient rassembler leurs familles chez eux. Ils pourraient assister chez eux à une sainte messe diffusée à la télévision ou sur internet, ou si cela n’est pas possible, ils devraient consacrer une heure de prière pour sanctifier le Jour du Seigneur et s’unir spirituellement aux saintes messes célébrées par les prêtres à huis clos, même dans leur ville ou dans leur voisinage. Une telle heure sainte dominicale d’une église domestique pourrait par exemple se faire de la manière suivante : prière du rosaire, lecture de l’Évangile du dimanche, acte de contrition, acte de communion spirituelle, litanie, prière pour tous ceux qui souffrent et meurent, pour tous ceux qui sont persécutés, prière pour le pape et les prêtres, prière pour la fin de l’épidémie physique et spirituelle actuelle. La famille catholique doit également prier le chemin de croix le vendredi du carême. En outre, le dimanche, les parents pourraient rassembler leurs enfants l’après-midi ou le soir pour leur lire des récits de la vie des saints, en particulier ceux qui sont tirés des périodes de persécution de l’Église. J’ai eu le privilège de vivre une telle expérience pendant mon enfance, et cela m’a donné les fondations de la foi catholique pour toute ma vie.
Les catholiques qui sont aujourd’hui privés d’assister à la sainte messe et de recevoir la sainte communion sacramentelle, peut-être seulement pour une courte période de quelques semaines ou mois, peuvent penser à ces temps de persécution, où pendant des années les fidèles ne pouvaient pas assister à la Sainte Messe ni recevoir d’autres sacrements, comme ce fut le cas, par exemple, pendant la persécution communiste dans de nombreux endroits de l’Empire soviétique. (...) À l’époque d’une cruelle persécution de l’Église, saint Cyprien de Carthage (+258) a donné cet enseignement édifiant sur la valeur de la patience : « C’est la patience qui fortifie fermement les fondements de notre foi. C’est elle qui élève au plus haut niveau l’accroissement de notre espérance. C’est elle qui dirige notre action, afin que nous restions fidèles à la voie du Christ tout en marchant par la grâce de sa patience. Que le Seigneur Jésus est grand, et que sa patience est grande, que Celui qui est adoré au ciel ne soit pas encore vengé sur la terre ! Frères bien-aimés, considérons sa patience dans nos persécutions et nos souffrances ; offrons une obéissance remplie de l’attente de son avènement » (De patientia, 20 ; 24).
Nous voulons prier avec notre entière confiance la Mère de l’Eglise, en invoquant le pouvoir d’intercession de son Coeur Immaculé, afin que la situation actuelle de privation de la sainte messe puisse apporter des fruits spirituels abondants pour le véritable renouveau de l’Eglise après des décennies de nuit de la persécution des vrais catholiques, du clergé et des fidèles qui s’est produite à l’intérieur même de l’Eglise. Écoutons ces paroles inspirantes de Saint Cyprien :
« Si la cause d’un désastre est reconnue, on trouve immédiatement un remède à la blessure. Le Seigneur a voulu que sa famille soit mise à l’épreuve ; et parce qu’une longue paix avait corrompu la discipline qui nous avait été divinement délivrée, la réprimande céleste a éveillé notre foi qui cédait, presque, dirais-je, endormie ; et bien que nous ayons mérité davantage pour nos péchés, le Seigneur très miséricordieux a tellement modéré toutes choses, que tout ce qui est advenu a plutôt ressemblé à une épreuve qu’à une persécution » (De lapsis, 5)
Dieu veuille que cette courte épreuve de privation du culte public et de la sainte messe insuffle au cœur du pape et des évêques un nouveau zèle apostolique pour les trésors spirituels pérennes qui leur ont été divinement confiés – c’est-à-dire le zèle pour la gloire et l’honneur de Dieu, pour le caractère unique de Jésus-Christ et de son sacrifice rédempteur, pour la centralité de l’Eucharistie et la manière sacrée et sublime de la célébrer, pour la plus grande gloire du Corps Eucharistique du Christ, et le zèle pour le salut des âmes immortelles, pour un clergé chaste et remplis de l’esprit apostolique. Puissions-nous écouter ces paroles encourageantes de saint Cyprien :
« Il faut louer Dieu et célébrer ses bienfaits et ses dons en lui rendant grâce, alors que même au temps des persécutions, notre voix n’a pas cessé de rendre grâce. Car même un ennemi n’a pas le pouvoir de nous empêcher, nous qui aimons le Seigneur de tout notre cœur, de toute notre vie et de toute notre force, de proclamer avec gloire ses bénédictions et ses louanges toujours et partout. Le jour si ardemment désiré est venu par les prières de tous ; et après l’obscurité terrible et répugnante d’une longue nuit, le monde a brillé, irradié par la lumière du Seigneur » (De lapsis, 1)
19 mars 2020
+ Athanasius Schneider, évêque auxiliaire de l’archidiocèse de Sainte-Marie à Astana